Stress et Marathon 1
Demain, c’est le semi-marathon de Paris, alors voici pour les sportifs, un article spécial « Psychologie du sport »....
Y a t-il des spécificités dans le processus de stress que vit le sportif et en particulier le Marathonien amateur ?
L’épreuve sportive du Marathon engendrerait la mise en œuvre de particularités dans le processus de stress*, tant en termes d’évaluation que de coping et stratégies utilisées par le marathonien amateur. Défi, motivation intrinsèque et implication dans la tâche, stratégies de coping centrées sur le problème avec fixation d’un certain type de buts, semblent caractériser cette transaction entre le marathonien et l’épreuve.
– « Eutress » , « distress » et performance : une relation particulière du sportif au stress
Insistons d’abord sur une spécificité de la relation au stress du sportif et du marathonien en particulier. Force est de constater que pour le sportif, amateur ou professionnel, le stress s’apparente d’abord à l’«eutress» de H. Seyle.
En témoignent les propos recueillis par H. Ripoll (Le mental des champions) :
A. Biamonti, karatéka : « le stress c’est mon ami, j’en ai besoin… c’est une montée en vigilance »,
P. Gentil, taekwondo : « c’est un booster, il décuple tes forces dans des actions extrêmes »,
T. Tuslane, tennisman, précise « Certes (il) est le plus gros frein à la concentration, mais c’est aussi ce qui te permet de te défoncer. Le gérer c’est garder le meilleur».
Pour autant qu’il soit bénéfique, le stress doit, au-delà d’un certain seuil, être canalisé sous peine de nuire à la performance… Pour faire du stress cet allié, les sportifs ont tous à combattre ses effets négatifs – «distress » cette fois – qui se manifeste par le développement d’affects négatifs associé à un haut niveau d’activation de l’organisme, mêlant dimensions cognitives et somatiques.
Cette citation issue de l’essai autobiographique de H. Murakami, marathonien : «Pain is inevitable, suffering is optional » saisit la nécessité pour le sportif de développer sa capacité à faire face et à s’ajuster aux facteurs de stress rencontrés. En dépendent en partie la performance et, à l’extrême, la capacité à prévenir la blessure physique tant redoutée, signal d’alarme, indiquant comme le souligne C. Le Scanff, que «des mécanismes d’ajustement, d’adaptation et de défense sont devenus inopérants pour gérer des situations conflictuelles, cognitives ou émotionnelles».
La théorie en U inversé de Yenkes et Dodson (1908 ), très utilisée en psychologie du sport, présente la relation éveil /anxiété et performance sportive comme curvilinéaire, définissant une zone individuelle optimale de performance que chaque sportif s’évertue à connaître.
A suivre,
Catherine Montluc
Stress et Marathon 2
Au delà de la diversité des marathoniens … il existerait des spécificités de l’application du modèle transactionnel du stress* au Marathon pour le coureur amateur en termes d’évaluation et de stratégies de coping et de mettre en lumière une influence de l’estime de soi et de la représentation sociale dans ce processus.
Premier point, en référence à ce modèle, lors de l’évaluation primaire, l’individu voit si la situation est pour lui du registre de la menace («threat»), de la perte («harm-loss») ou du défi («challenge»). Si perte et menace génèrent des émotions négatives (anxiété, culpabilité), le défi, lui générerait des émotions positives (confiance, plaisir). Une spécificité de l’évaluation primaire du marathonien amateur serait qu’il la situerait au niveau du défi lancé à soi-même en termes d’endurance, de gestion et d’optimisation de ses capacités avec les conséquences. Et comme l’écrit D. Lassare : « dans le défi, la personne trouve l’opportunité de se prouver à elle-même sa propre valeur, d’étendre sa maîtrise ou d’avancer dans son développement personnel», établissant ainsi un lien avec l’estime de soi.
Soulignons aussi que le marathonien amateur vit un engagement lié au plaisir, son investissement dans le sport est choisi. Cette motivation intrinsèque qui anime le marathonien (vs. extrinsèque qui renvoie aux récompenses/ sanctions) est liée aux bénéfices attendus en terme de «renforcement de compétence et d’autodétermination, de contacts sociaux et de recherche hédonique de sensations». (Delignières D.) La nature de l’implication du sportif pourrait aussi influencer le processus de stress. Dans le cas du marathonien amateur l’investissement dans la tâche prédomine, favorisant buts flexibles et ajustements, la performance dépendant de sa lucidité, de son habileté et ses efforts avec des répercussions sur le stress (vs. dans l’ego où les buts sont peu contrôlables, anxiogènes et peu flexibles).
Des travaux ont aussi montré que les sportifs investis dans la tâche lient la réussite à l’effort et à la persistance (vs. ceux investis dans l’ego évoquant chance ou aptitude supérieure) et voient leurs erreurs comme une composante naturelle de l’acquisition des habiletés, l’amélioration des performances satisfaisant leur critère de démonstration de compétence. Au regard de l’importance de la période de préparation pour le marathonien et de ses ajustements, ce point paraît essentiel dans la gestion dynamique du stress de long terme, la réévaluation y tenant une place centrale.
Pour faire face, le sportif adopterait généralement un coping actif et évolutif. Ses stratégies, dynamiques et flexibles, seraient davantage centrées sur le problème, permettant d’affronter la situation (recherche de moyens d’action, réorganisation de la tâche, accroissement de l’effort via l’entraînement mental, physique – vs. stratégies centrées sur l’émotion et le désengagement
La fixation de buts réalistes, spécifiques et proximaux, semble efficace et le recours à des buts de maîtrise visant au surpassement des standards personnels (par opposition aux buts de résultats dans un processus de comparaison sociale) constitueraient une stratégie de gestion du stress compétitif, en liaison avec l’implication dans la tâche. En présentant une dissonance faible avec le niveau de ressources du sujet, ils réduiraient anxiété, peur de l’échec, risques d’altération de l’estime de soi, préservant le sentiment de compétence.
Si ce coping centré sur le problème paraît dominant, le marathonien à aussi recours au coping centré sur l’émotion qui concerne les actions visant à diminuer les états émotionnels liés au stress, notamment le monologue intérieur positif, la relaxation ou la recherche de soutien social.
L’estime de soi, à la fois antécédent et conséquence du stress, influencerait «la façon dont les individus évaluent la situation et leur manière d’y faire face » et serait une clé de l’accomplissement des performances.
Alors, bonne course !
Catherine Montluc
*modèle transactionnel de Lazarus et Folkman. Pour rappel, selon Lazarus & Folkman, le processus de stress est une « transaction particulière entre l’individu et son environnement dans laquelle la situation est jugée par l’individu comme dépassant ses capacités et mettant en danger son bien-être». Ainsi, la situation de compétition n’apparaît pas stressante en soi. L’individu détermine le potentiel stressant de la situation par l’évaluation cognitive des demandes et de ses capacités à y répondre, « chacun fai(sant) son stress » (Rivolier, 1997)
Marathon
Le sport est un vecteur majeur de représentation sociale. Le sportif de haut niveau suscite admiration et identification. Cette représentation positive a des répercussions pour le marathonien amateur, dont l’estime de soi se nourrit aussi de l’approbation sociale et du regard de l’autre.
Associée au Marathon, cette représentation présente des éléments spécifiques inscrits dans la mémoire collective : rappelons-nous, 490 av. JC, les soldats grecs et perses se tiennent face à face sur la plaine du marathon. L’armée grecque s‘impose et Philippidès, messager, s’élance pour l’annoncer aux Athéniens… il en meurt d’épuisement. Entre le lieu de la bataille et l’Acropole, une course de 40 kms, selon Hérodote, scribe à Athènes. Mythe ou réalité ?
Peu importe. Le marathon reste, comme l’écrit P. Mathiote, le prétexte d’une « communion universelle ». L’amateur peut y courir avec les meilleurs et c’est, comme le formulent H. Steffny & al., « une olympiade privée ».
Alors, bonne course !
Catherine Montluc
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